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Abdelwaheb Meddeb appartient à cette longue lignée de penseurs qui ne cessent de baliser l’itinéraire d’une modernité critique et inquiète, revenant assidûment sur leurs pas pour parcourir et questionner ces « blanches traverses du passé » (1) et se réservant le droit d’évacuer ce qui serait jugé obsolète. Pour cela, on peut attester que Abdelwaheb Meddeb est un poète averti et érudit. Avec ce qu’il en retient, il affûte les outils de son investigation et de sa création. Des voix, au nom d’un purisme académique, s’élèvent parfois contre certains de ses écrits : « D’où vient cette oeuvre, qui n’est ni de la politologie, ni de la sociologie, ni de l’histoire, ni de la philosophie? », protestent-elles. Cette liberté qu’il se donne, il l’avait trouvée, au plan de l’expression et de la démarche, chez des auteurs comme Dante, Al Biṣṭāmī, Aragon et surtout chez le poète Ibn Arabi (xiiie s.). Dans L’Interprète des désirs (Turjumân al-Ashwâq), le mystique musulman Ibn Arabi, écrit un poème sur le dogme chrétien de la trinité rien que pour exalter la poéticité du rythme impair. Abdelwaheb Meddeb appuie sans réserve cette ouverture spirituelle d’Ibn Arabi parce que, selon lui, « l’expérience est première en mystique, par rapport à la loi », une mystique que Meddeb se plait à qualifier d’ « orpheline » car libérée de toute autorité. A propos du Coran, il confiait: « (…) dès le commencement, et jusque dans la terreur qu’il suscitait en moi, j’ai eu d’emblée un rapport transgressif avec le Livre, j’entrais en émulation avec ses mots... »